3%: c’est le pourcentage de baisse du chiffre d’affaires au dernier trimestre. Pas catastrophique en soi, mais tout de même : hors covid, le groupe n’accusait plus de contraction de ses résultats depuis très longtemps. Le refroidissement de l’économie en Chine a conduit les consommateurs à être plus économes ces derniers temps. En outre, la croissance au Japon a ralenti. La faiblesse du yen a longtemps incité les étrangers à acheter des produits de luxe au pays du soleil levant. Mais le récent rebond du yen a inversé la tendance. Pendant des années, LVMH a signé une croissance ininterrompue et le titre battait largement les indices boursiers (voir graphique). Les années de vaches grasses sont-elles révolues? Aucune prévision concrète n’est avancée, mais la direction évoque des conditions difficiles. Avant d’aborder les résultats, un bref rappel historique.
Des siècles d’histoire
Dans les années 1970, lorsque Bernard Arnault travaillait dans l’entreprise familiale de construction, rien ne semblait le destiner à devenir l’homme le plus riche d’Europe. Il conseilla au groupe de mode Louis Vuitton de fusionner avec Moët Hennessy, lui-même né quelques années plus tôt de la fusion du fabricant de champagne Moët & Chandon et du brasseur de cognac Hennessy. En 1987, LVMH était né. Par une série d’acquisitions et avec l’aide d’autres investisseurs, Arnault devient le premier actionnaire du groupe et augmentera systématiquement sa participation. Sous l’effet combiné d’une croissance organique et d’une politique d’acquisition agressive, LVMH a connu un parcours impressionnant. Aujourd’hui, le groupe compte 75 marques, dont beaucoup sont centenaires. LVMH accorde à ces maisons une autonomie assez grande, mais les soutient dans la production, la distribution et, bien sûr, le marketing et l’innovation.
Premier recul historique
- Le pôle Mode et maroquinerie est le plus important, qui représente environ la moitié des ventes. Il est également le plus rentable, et a donc un poids encore plus important dans les bénéfices. Louis Vuitton et Christian Dior sont les principales marques. Le groupe gère également des marques comme Fendi, Celine, Loro Piana, Loewe, Givenchy, Kenzo et Marc Jacobs. On note un repli du chiffre d’affaires de 5%, principalement en raison de la baisse des volumes. La Chine a largement contribué à cette baisse. L’Asie représente la moitié des revenus de ce segment. Mais l’Europe et les États-Unis ont également déraillé. Sur les marchés occidentaux, la direction évoque une amélioration séquentielle, bien qu’elle ne soit pas significative. Il est possible que nous assistions à une normalisation, après plusieurs années exceptionnellement robustes. Par ailleurs, les relèvements de prix de ces dernières années ne peuvent être poursuivies. LVMH ne baissera pas ses prix pour augmenter ses volumes.
- La Distribution sélective constitue le deuxième segment, avec des marges nettement inférieures. Par conséquent, elle a moins d’incidence en termes de bénéfices. Il s’agit principalement de boutiques (hors taxe), dont la chaîne française Sephora, connue pour ses parfums et ses produits cosmétiques. Le C.A. a augmenté de 2%.
- Les Montres & Bijoux constituent le troisième segment, avec les marques TAG Heuer, Bulgari ou encore Tiffany. Tiffany est la dernière grande acquisition du groupe, qui renforce ainsi sa présence sur le marché américain. L’accord a été conclu en pleine crise sanitaire, alors que les résultats étaient sous pression, ce qui a permis à LVMH de négocier un prix d’acquisition légèrement inférieur, à 16 Mrd USD. Le segment s’est contracté de 4% sur la période écoulée.
- Le pôle Parfums & Cosmétiques représente environ un dixième du C.A., mais pèse un peu moins lourd au niveau des bénéfices. Ses marques sont Acqua di Parma et les parfums Dior, Givenchy, Guerlain, Fenty et Kenzo. Là encore, l’Asie représente près de la moitié des ventes. Le pôle a signé une hausse de 3% des ventes.
- Les Vins & Spiritueux s’adjuge un peu moins d’un dixième du chiffre d’affaires, mais il est très rentable et constitue donc un moteur de la rentabilité. Le segment réalise à peu près autant de chiffre d’affaires avec le champagne et le vin qu’avec les spiritueux. LVMH est à la fois le leader mondial du champagne (avec des marques telles que Dom Pérignon, Krug, Moët & Chandon et Veuve Clicquot) et du cognac (Hennessy). Mais il possède également des marques fortes dans d’autres spiritueux, par exemple la vodka super-premium Belvedere. Le groupe britannique Diageo détient une participation de 34% dans Moët & Hennessy, auquel il collabore pour la distribution. La division a vu ses ventes reculer de 7%. La Chine a mis en place début octobre des droits de douane sur le cognac de 35 à 39%, en réponse aux droits de douane européens sur les voitures chinoises. Ces mesures ne manqueront pas de peser sur le chiffre d’affaires.
Redressement en vue?
La demande de produits de luxe s’est reprise au lendemain de la crise, mais elle s’essouffle à nouveau depuis un certain temps. Les consommateurs chinois dépensent moins, et les Occidentaux suivent leur exemple. Seul le segment ‘super-premium’ a encore la cote. Ainsi, des noms tels que Hermès et Ferrari se portent toujours bien, même en bourse. Leurs clients ne se soucient pas de la conjoncture. Mais dans le segment juste en dessous, la situation est moins faste. Le secteur a déjà connu ce type de cycles. LVMH est efficace au niveau du marketing, ce qui lui a souvent permis de mieux résister à ces cycles que ses concurrents, mais elle y parvient plus difficilement cette fois. La diversification a toujours été un avantage, mais elle n’aide pas en ce moment, car toutes les catégories de produits rencontrent des difficultés. Peut-on s’attendre à une nouvelle croissance l’année prochaine? C’est en tout cas le consensus à ce sujet. LVMH a perdu un tiers de sa valeur boursière depuis le maximum. Les investisseurs friands de planchers ramassent le titre, qui a longtemps été considéré comme cher mais de qualité. De nombreux investisseurs ont manqué le fantastique rallye de la dernière décennie et profitent de la correction pour prendre une première position. Ce qui pourrait suggérer que le plancher n’est pas encore atteint, puisque souvent, il ne l’est que lorsque le titre est boudé.
Valorisation et conclusion
Actuellement, l’action capitalise 23 fois son bénéfice 2024. Pas vraiment bon marché et dans la moyenne historique. LVMH a déjà été deux fois moins cher. Longtemps, le titre a affiché une prime par rapport au secteur, jusqu’à 40%. Actuellement, cette prime a pratiquement disparu. Le rendement dividendaire de 2,2% n’a rien d’extraordinaire, surtout si l’on tient compte de la lourde facture fiscale.
En bourse d’Euronext Paris, vous trouverez le mono-holding Christian Dior. Ce nom prête à confusion, car la marque Dior elle-même n’est plus intégrée au holding, mais à LVMH. Christian Dior est un holding de contrôle qui détient 42% des actions et 57% des droits de vote de LVMH. La famille Arnault, par l’intermédiaire de la Financière Agache, possède la quasi-totalité des actions (98%) de Dior, en plus de participations directes dans LVMH: 7% des titres et 8% des droits de vote. Le flottant est donc limité, mais la négociabilité n’est pas trop mauvaise dans l’ensemble. En 2017, la Groupe familial Arnault a tenté de retirer Dior de la bourse, en proposant une combinaison de cash et d’actions Hermès. L’action Dior a grimpé en flèche et a même brièvement affiché une prime par rapport à LVMH. Aujourd’hui, la décote est proche de 20%: une action Dior correspond à environ 1,16 action LVMH et la trésorerie est négligeable. En cas de nouvelle offre, cette décote pourrait disparaître à nouveau, mais rien ne permet de l’affirmer. Le contraire est aussi possible. Le rendement dividendaire de Dior n’est pas très différent de celui de LVMH. Nous préférons l’actif sous-jacent au holding.
Conseil : C1
LVMH est certes plus accessible mais pas encore bradé. Nous restons patients, car le momentum pourrait rester négatif encore un certain temps. Les positions peuvent être maintenues. Nous attendons une amélioration (ou un nouveau repli) pour revoir notre avis à la hausse.